Par Elizabeth Durot-Boucé
Professeur à l'université du Havre de langue et littérature anglaises, spécialiste du roman gothique des origines et de traductologie.
Le 22 Mai 2014 à 12h30
Maison de l'étudiant de l'université, salle Raymond Queneau
Femme exceptionnelle et emblématique de l’esprit des Lumières, cette belle ambitieuse a utilisé pleinement la liberté qui est la marque de cette époque de bouillonnement scientifique, philosophique et révolutionnaire. Celle que Voltaire appelait « Madame Pompon Newton » est une personnalité double, à la fois très féminine et virile : c’est une vraie scientifique, qui a traduit Newton, mais c’est aussi une femme passionnée, légère, coquette, sensuelle qui adore jouer la comédie et chanter des airs d’opéra. Élevée d’une manière exceptionnelle par son père, qui lui fait donner la même éducation qu’à ses deux frères aînés, Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, Marquise du Châtelet (1706-49) apprend le latin, les mathématiques, les langues étrangères, le cheval, la gymnastique, le théâtre, la danse, le chant. Comme les hommes des Lumières, elle s’autorise à réfléchir par elle-même y compris contre Voltaire. Cette femme a décidé de vivre autrement. De saper les codes en vigueur dans son milieu. Son seul credo : la quête des connaissances comme celle de l’amour. Connue pour ses extravagances et ses aventures amoureuses, la marquise est révolutionnaire pour l’époque : elle se veut libre sur le plan des mœurs et libre dans ses recherches. Elle a vécu avec Voltaire la plus folle romance des Lumières : relation très forte, fusionnelle mais libre, de passion et de complicité. Elle meurt en couches à 43 ans, nouveau scandale pour l’époque, et sur son lit de mort, elle est entourée de Voltaire (son compagnon), de Saint-Lambert (son amant) et de son mari. Le secret de cette réussite, sa clé du bonheur, Émilie du Châtelet nous la donne dans son Discours sur le bonheur (1779): « On n’est heureux que par des goûts et des passions satisfaites. »