Aurions nous oublié ?
J'observe avec inquiétude la désaffection de la part de la jeunesse pour les sciences et pour l'université depuis plusieurs années. Les mathématiques, l'informatique, les filières longues n'attirent plus. Nous nous retrouvons souvent face à des étudiants sans motivation et tel l'acteur qui trouve sa force avec l'échange avec le public, mon enthousiasme s'éteint avec le manque d'entrain de mes étudiants qui deviennent des consommateurs. Les raisons sont sans doute multiples, la multiplication des écoles d'ingénieur, des parcours, la carrière d'enseignant de moins moins prisée du fait du contexte difficile ... Le guichet unique nous amenant sans doute le coup de trop qui s'il est une excellente initiative pour les jeunes bacheliers inscrit encore plus, s'il en était besoin, le choix de l'université comme celui par défaut. "Si j'ai rien, j'irai à l'université".
Pouvons nous enrayer cela ? C'est sûrement difficile. Les réformes sont souvent cosmétiques et s'attaquent très rarement à la racine du problème qui me semble être le trop grand nombre d'opérateur de l'enseignement supérieur (lycées, universités, écoles, établissements consulaires ...). Et la LRU et les RCE me direz-vous ? Cette réforme soit disant emblématique introduit avant toute chose un système compétitif et est utilisée pour réduire les ressources et modifier la gouvernance des universités. Certes les systèmes de coopération et de compétition peuvent produire des résultats intéressants mais sous certaines conditions, populations constantes et/ou ressources suffisantes ..... l'économie nous le montre régulièrement. Cette compétition renforce les inégalités territoriales et les EX (IDEX, LABEX, EQUIPEX) n'arrangent rien. Les grands gagnants (sur le papier, il reste à voir la réalité demain) sont les grands centres où sont localisés les grands organismes, qui après avoir été grands sont devenus grandex ou des ex-grands. Nos nouveaux ministres Vincent Peillon et Geneviève Fioraso qui viennent d’être nommés hier (12/05/2012) respectivement, ministre de l’Éducation nationale et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche amèneront peut-être des changements et des solutions. Laissons leur une chance, l'affichage est là, attendons la suite.
Sans attendre des lendemains qui chantent, peut être pouvons nous au quotidien, localement améliorer cette situation. J'ai peur que nous ayons un peu trop oublié une de nos forces qui est un fondement de l'université, l'enseignement et la recherche. Alors que la science et la recherche s'orientent de plus en plus vers une approche complexe au sens étymologique "ce qui est tissé ensemble", l'enseignement s'enferme dans une démarche de transmission de savoir compartimentée s'appuyant sur des disciplines hermétiques aux autres, en oubliant, de plus, le comprendre et le découvrir ensemble. Ce cloisonnement est donc à la fois horizontal mais aussi vertical, une ligne de fracture s'est lentement mais sûrement immiscée entre la recherche et l'enseignement au nom de la sacro-sainte professionnalisation. La rencontre avec la recherche se faisant au mieux à la marge dans des travaux tutorés et pour les étudiants qui en ont la volonté en master 2, dans des parcours dit de recherche. La professionnalisation n'explique néanmoins pas tout, nous portons une part de responsabilité en tant qu'enseignants-chercheurs en acceptant la dictature des appels à projet, activité chronophage et au bout du compte souvent improductive. Le temps que nous consacrons aux réponses, c'est autant que nous ne passons pas à partager notre activité de recherche avec les étudiants. Un autre écueil nous guette, la course à la publication qui conduit la plupart d'entre-nous à chercher l'efficacité immédiate. Pourquoi perdre du temps avec des étudiants qui ne savent pas rédiger un article, écrire en anglais, faire un état de l'art, n'ont pas les connaissances requises, ni même compris le problème ? Et pourtant, comment voulons nous alors intéresser nos étudiants ?
La recherche est belle, captivante, consacrons du temps à le montrer, à la partager, mettons en avant cet atout de nos universités. Je suis sur que notre public pourra se laisser convaincre, le " do it yourself ", les fablabs, sans oublier la main à la pâte (G. Charpak) ... qui séduisent de plus en plus de monde sont des signes positifs, même si cela semble mieux fonctionner dans les pays anglo-saxons. Cette forme de (auto-)didactique des sciences peut/doit être développée auprès de nos éventuels pré-thésards, il nous faut les associer en amont et les intégrer à la vie de nos laboratoires, dans des projets de recherche et même physiquement. Partager des projets et la machine à café, dans un climat de confiance mais aussi de respect et d'exigence. Cela nécessite de notre part de mieux communiquer notre enthousiasme pour la recherche, le contenu de nos projets et d'accepter de nous mettre en danger. Pouvoir dire je ne sais pas, je ne comprends pas, alors que l'on est encore impliqué dans une relation d'autorité ! Il nous faut aussi concevoir nos projets dans ce sens et mettre en valeur le travail effectué, cela ne doit pas être de la main d’œuvre corvéable.